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De la fouille à la reconstitution Le four de potier protohistorique de Wolfisheim (Bas-Rhin)

De la fouille à la reconstitution

Le four de potier protohistorique de Wolfisheim (Bas-Rhin)

Le four de potier fait partie d’un habitat protohistorique comprenant ferme et dépendances, situé au lieudit Westermatt. Le four est de type semi-enterré, avec un aménagement largement creusé dans le lœss du substrat. Dans la partie supérieure de la structure, la fouille a permis de mettre en évidence une couche importante de fragments de torchis avec empreintes de clayonnage de baguettes de 2 à 2,5 cm de diamètre. Ces fragments laissent supposer la présence d’une coupole en baguettes et tiges tressées recouvertes d’argile.

Cette coupole devait être démontée ou brisée après chaque cuisson, pour permettre l’accès aux céramiques placées sur la sole.

 

De la trace au geste… Construction expérimentale d’un four de potier

 

 

 

Creusement de la fosse et réalisation de la sole 

Une fosse de 2 m de long sur 0,90 m de large a été creusée dans le sol sur 0,25 m de profondeur à l'avant, à remplacement futur du foyer et de 0,40 m de profondeur dans la moitié arrière, sous ce qui deviendra le laboratoire du four. Les fragments de sole retrouvés à Wolfisheim ne présentaient, contrairement à d'autres, aucune perforation. La sole réalisée pour l'expérimentation a donc tenu compte de cette indication.

 

 

 

 

 

 

Armature de la sole

Un clayonnage rectangulaire de 1 m x 0,70 m a été réalisé au-dessus de la fosse en entrecroisant perpendiculairement des branchages de saule verts.

 

 

 

 

 

 

 

Confection de la sole

Du torchis, mélange d'argile et de paille, a été appliqué ensuite sur les deux faces pour former une pièce rectangulaire de 4 à 6 cm d'épaisseur, sous laquelle a été allumé un petit feu pour en assurer le séchage plus rapide.

 

 

 

 

 

 

La chambre de combustion

Cette sole est soutenue en son milieu par un pilier constitué de plusieurs briques crues (de 15 x 8 cm), superposées et colmatées avec de l'argile

 

 

 

 

 

 

 

La chambre de cuisson ou laboratoire

Pour protéger les céramiques et la sole et pour concentrer la chaleur dans le four, une chambre de cuisson en forme de coupole a été confectionnée en branches et torchis, destinée à prendre place directement au-dessus de la sole. Elle est formée d'un panier en entrelacs de branchages tressés, au fond en pointe. Le diamètre de l'ouverture est de 2,30 m. Cette coupole tressée a ensuite été recouverte, à l'intérieur comme à l'extérieur, de torchis, afin de protéger les branches de l'atteinte des flammes.

 

 

 

 

 

Préchauffage

Après l'avoir laissé sécher à l'air libre durant une semaine, la coupole a été posée sur le foyer. Un  feu a été allumé au niveau de l'aire de chauffe, pour accélérer le séchage  et durcir l'argile pour obtenir un panier aussi étanche que possible. Seule une petite ouverture formant cheminée a été ménagée dans la partie supérieure de la coupole ou laboratoire.

 

 

 

© Photographies - J. Sainty 

La céramique : les chercheurs du Centre Expérimental ont confectionné une trentaine de céramiques : grands vases et coupes du Bronze final, fusaïoles poids de tisserand et tuyères…

L'enfournement a été pratiqué par l'arrière du four, grâce à une ouverture rectangulaire, en forme de porte, pratiquée à l'arrière du four, à la hauteur de la sole. Les grands vases ont été placés d'abord, puis les plus petits entre, enfin les bracelets et les perles, ainsi qu'une tuyère en argile pour l'embout d'un soufflet et deux pesons de tisserand. Au total, une trentaine de pièces de toutes tailles et de toutes formes qui tenaient parfaitement à l'aise dans l'espace ménagé sous la coupole. L'ouverture a été refermée par des plaques de torchis séché.

La cuisson a duré deux heures (de 12 à 14 h) par un temps ensoleillé, frais et légèrement venteux. Le premier quart d'heure a été consacré à obtenir des braises dans la partie avant du foyer (aire de chauffe), tout en permettant un réchauffement progressif des poteries et du laboratoire . Du bois sec a été empilé et brûlé jusqu'à obtention d'un épais tapis de braises rougeoyantes. Ces braises ont ensuite été poussées au fond du four, sous la sole, de part et d'autre de l'épi central, pour la cuisson des poteries. La coupole chauffée a ainsi fini de sécher au cours de la cuisson, en dégageant un nuage de vapeur d'eau conséquent durant une quinzaine de minutes. Un vent léger a permis d'attiser les braises et le feu, par un foyer largement ouvert à l'avant. La cuisson s'est donc déroulée en atmosphère oxydante. De nouvelles braises ont été constituées et le même processus a été répété cinq à six fois, jusqu'à ce que le four soit chaud. Vers le milieu de la cuisson, les flammes ont attaqué une partie de la coupole et de la sole, brûlant les branchages qui en formaient la partie inférieure, fragilisant progressivement la structure. La sole s'est affaissée de part et d'autre du pilier central, au bout d'environ deux heures de cuisson et la coupole a suivi. Par chance, aucun des objets en place dans le four n'a été brisé, car l'espace où ils se trouvaient est resté constant, sole et coupole s'affaissant dans un même mouvement sans écraser les poteries.

 

Cet accident étant intervenu au bout de deux heures de cuisson et la coupole continuant à se fissurer, il a fallu arrêter la cuisson et entreprendre le défournement, sans attendre que la fournée refroidisse. Les éléments affaissés de la coupole ont été enlevés et les vases recueillis au fur et à mesure de leur apparition dans le four. Malgré les cassures de la sole, aucun vase n'était brisé car l'affaissement a dû être progressif et lent. Les deux heures de cuisson se sont, en fait, révélées parfaitement suffisantes et pratiquement tous les vases ont été cuits suffisamment pour rendre la poterie dure et sonore et faire de cette première cuisson en four fermé une expérience réussie et pleine d'enseignements.