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Le poignard de Crussol - Coulée de métal hors du temps à la fonderie Serrero de Plancher-les-Mines

Coulée de métal hors du temps à la fonderie Serrero de Plancher-les-Mines

 

  Une réplique de poignard du Bronze ancien (1 700 ans Av. J.-C.) reconstitué en Haute Saône.

Une équipe de chercheurs de l’Université de Lorraine et du Centre de recherche en archéologie expérimentale de l’Est (ERMINA) ont partagé un temps leurs travaux avec les ouvriers fondeurs de la fonderie Serrero de Plancher les Mines dirigée par Denis Weistroffer. L’objectif de ce travail inédit était de confronter et de comparer les techniques de fonderie passées et actuelles, de comprendre les techniques de fabrication complexes de ces premiers objets de métal. L’objet sélectionné pour cette opération délicate est un poignard de l’Age du Bronze, une pièce emblématique du patrimoine archéologique national puisqu’il s’agit d'une pièce particulièrement célèbre : le poignard en bronze de Crussol.

Pour tester les capacités de coulée modernes, plusieurs moules ont été réalisés par les ouvriers de la fonderie. La finesse de la lame, les incisions présentes en surface, l’insertion de la garde, constituent les points les plus remarquables mais aussi les plus énigmatiques en termes de conception de cet objet. Et pourtant, ils démontrent s’il en est des capacités intellectuelles et techniques de haut niveau des premiers métallurgistes d’Europe occidentale. La coulée qui a suivi le façonnage des moules a permis de réaliser avec succès un exemplaire de ce poignard. L’analyse des techniques et des gestes mis en œuvre au cours de cette opération devrait permettre d’améliorer notre connaissance des savoir-faire à l’aube de la métallurgie. La démarche paléométallurgique est renforcée lorsque les hypothèses sont testées expérimentalement : en amont de cette opération, les archéologues avaient commencé par couler une première réplique d’après les données archéologiques utilisant des moules en grès des Vosges et des soufflets manuels à partir de modèles ethnographiques.

Cette opération est le résultat d’une longue coopération et d’un travail entre des archéologues, spécialistes en archéologie des techniques, le Centre Expérimental de Préhistoire Alsacienne (CEPA) et l’Université de Lorraine.

Cette opération s’inscrit dans un programme consacré à l’origine des techniques d’extraction et de transformation des ressources minérales en Europe : des travaux qui se concrétisent par des recherches aussi bien sur le terrain qu’en laboratoire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le poignard de Crussol, conservé au Musée de Valence (Drôme), a été découvert le 9 janvier 1790 au lieudit « le rocher de Crussol » dans le département de l’Ardèche par deux ouvriers occupés à effectuer des tirs de mine dans une carrière. Ces carriers et plusieurs autres ouvriers présents, étonnés d'une lette découverte, cassèrent la pointe de l’objet, pour vérifier si le métal était précieux, le dégagèrent de son enveloppe calcaire dont il conserve encore quelques vestiges, et le frottèrent ensuite avec une pierre de grès. Après avoir été acheté, l’objet finit par atterrir dans les collections du musée de Valence. La lame de ce poignard est à double tranchant, en forme de triangle très allongé; les bords sont ornés d’une série de quatre filets en creux, parallèles au tranchant ; l'échancrure demi-ovale, laissée par la poignée, est décorée de fines gravures géométriques que limite à la base une rangée de dents de loup. La poignée est courte et de section ovale ; le fût porte trois anneaux de six traits, chaque groupe limité par deux anneaux de pointillé; l'extrémité, qui s'unit à la lame, est en forme de croissant; elle présente une profonde rainure où vient s'implanter la partie supérieure de la lame, fixée au moyen de six rivets perçant de deux côtés. Un bouton, plat et ovale, décoré d'un ornement en croix, termine la poignée. Sa longueur totale est de 267 mm; son poids de 338 grammes. Il est en bronze avec une proportion de 88% de cuivre et de 12% d’étain. Compte-tenu de la richesse du décor, il s'agit vraisemblablement d'un objet de prestige réservé aux élites. Ce type de poignard est répandu dans la vallée du Rhône et celle de la Saône, mais également dans les Alpes et la Suisse occidentale.