L'ARC ET LA FLÈCHE
La découverte de l’instrument complexe qu’est l’arc et la flèche, deux éléments d’une même arme, marque un progrès considérable pour l’homme. Quand il sut maîtriser habilement l’élasticité d’une tige en bois comme source d’énergie propulsive, il fut alors capable d’envoyer une flèche à grande distance et de chasser le gibier avec efficacité.
Les plus anciens bois d’arc connus datent de la période Mésolithique, c’est-à-dire environ 8 000 av. J.-C. Citons l’arc entier découvert dans le site d’Holmegard (Danemark) et des fragments provenant du site de Stellmoor (région de Hambourg, Allemagne).
Au Néolithique, l’utilisation de l’arc se généralise. Grâce à certaines conditions de conservation particulièrement favorables dans les vases lacustres, plus de 40 arcs et fragments d’arcs nous sont conservés dans les sites lacustres de Suisse, d’Allemagne et du Danemark, ce qui a permis d’en connaître le mode de fabrication ainsi que les différentes mensurations. Si les hampes de flèches ne sont pas conservées, en revanche les armatures de flèches en silex, matière non périssable, ont été retrouvées par milliers.
Peintures rupestres d'Espagne avec scènes de chasse à l'arc.
Comme le montrent les peintures rupestres de l’Espagne orientale, la chasse à l’arc tient une place prédominante. Des scènes très stylisées mais fort vivantes mettent en confrontation des casseurs armés d’arcs et de flèches et le gibier constitué de cerfs et de bouquetins.Léger, précis, d’une grande portée, l’arc fut utilisé dans le monde entier pendant des millénaires, jusqu’à l’invention des armes à feu. De nos jours, l’arc est encore employé par certaines peuplades d’Afrique et d’Amérique du Sud.
Pour mesurer l’efficacité de l’arc ancien, de nombreuses expérimentations ont été réalisées ; elles montrent qu’en utilisant un arc et des flèches confectionnées d’après des objets de fouilles, il est possible d’abattre un chevreuil à 40 m de distance et que la puissance d’un arc en bois d’if, de 1,50 m de long, permettait une portée de 150 m.
Armée d’une armature de flèche en silex, une flèche tirée à 50 m avec un arc confectionné en bois d’acacia est capable de traverser trois feuilles de contreplaqué épaisses chacune de 5 mm.
Les arcs ont été confectionnés dans de jeunes troncs d’arbres dépourvus de branches. Les essences les plus utilisées sont, par ordre d’importance : l’if, l’orme, le frêne, l’acacia et l’épicéa. Pour améliorer les qualités élastiques de l’arc, ils ont généralement une face intérieure plate. Dans une branche cylindrique, qui travaille à la flexion, les fibres extérieures subissent une forte extension alors que les fibres intérieures subissent une compression longitudinale. L’extension des fibres amène leur rupture progressive et il vient un moment où toute la partie antérieure de la branche cylindrique n’a plus aucune action sur la propulsion de la flèche. Il faut donc soulager l’arc de toute sa partie devenue inutile et faire de sa face antérieure, de bout en bout, une surface plane.
Les extrémités des arcs portent de légères encoches, amincissements ou fines rainures pour empêcher la corde de sauter lors de la tension. Au centre de l’arc, quelques aménagements ont été effectués (sous formes de légères dépressions) utilisées comme guide-flèche. En France, l’arc trouvé lors des fouilles subaquatiques de Charavines, daté du Néolithique final, montre que la partie centrale a été améliorée par l’ajout d’une poignée en ficelle ; les marques d’enroulement sont encore bien visibles sur le bois.
La flèche
Elle est constituée de trois parties distinctes : la hampe, l’armature, l’empennage.
La hampe est en bois, fabriquée dans de jeunes pousses droites de noisetier ou de tilleul. Elle doit être, pour l’exactitude du tir, d’une grande rectitude. Il est probable que les hommes préhistoriques les redressaient à la main plusieurs fois par jour lors des étapes de séchage.
La hampe a pu être fabriquée également dans des matières légères, telles que le roseau. A la base de la hampe, une petite encoche était aménagée pour permettre d’insérer la corde de l’arc, qui devait être faite, à cette époque, de boyaux tressés.
L’empennage
Pour assurer la stabilité en vol, la flèche doit comporter à l’arrière un empennage composé de plusieurs plumes (fixation radiale ou tangente). Celles-ci peuvent être, d’après les exemples ethnographiques, collées, ligaturées ou simplement pincées.
Exemples d'empennages (© Dessin : J. Sainty)
L'arrmature
L’armature de la flèche est généralement silex. L’armature insérée dans une fente ménagée à cet effet est maintenue à l’extrémité de la hampe par une ligature et par une substance adhésive : résine, bitume… Les armatures de flèche, souvent très abondantes en fouille, évoluent sensiblement d’une période à l’autre et peuvent constituer des marqueurs chronologiques. Il existe de nombreuses formes : triangulaires, ovalaires, pédonculées…
Aux âges des métaux, les armatures de flèches sont en cuivre puis en bronze. Le métal est coulé dans des moules monovalves ou bivalves permettant de fabriquer une ou plusieurs armatures en série.
Armatures de flèches en silex avec divers types d'insertion sur la hampe (© Dessin : J. Sainty)
Haut et bas : Moules bivalves et armatures de flèches en bronze (Expérimentation) - (Photographie : D. Morin)